Allocution du vénérable Dagpo Rimpotché dans le temple de Dagpo Shedupling Monastery

Nous sommes réunis en ce moment dans le temple de Dhakpo Shedupling. La plupart des religieux sont présents ainsi qu’’une partie des membres d’’Entraide Franco-Tibétaine dont certains sont parrains ou marraines de religieux de cette communauté. La plupart des parrains n’’ont pas pu se joindre à nous. Rimpotché souhaite nous entretenir sur la relation parrain/filleul ainsi que sur les responsabilités des deux.

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Moyens de subsistance du monastère

Autrefois, au Tibet, Dagpo Dratsang avait plusieurs donateurs qui lui assuraient les besoins matériels : en premier, le gouvernement central du Potala ; en second, la famille Lhagyari.

De nos jours, en exil, grâce à la bienveillance de sa Sainteté le Dalaï Lama et du gouvernement Indien, nous pouvons disposer de lieux de résidence et de pratique de nos traditions, mais les conditions de subsistance ont changé. Nos deux principaux supports ne pouvant plus assurer notre quotidien, nous avons dû solliciter de l’’aide à l’’occident et notamment en France, Hollande, Indonésie, Malaisie… La situation actuelle est telle que cette aide est nécessaire.

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La relation donateur / donataire au Tibet

Traditionnellement, au Tibet, existait une relation particulière, appelée « Tcheu yeun », entre, d’’une part le ou les donateurs et, d’autre part, le monastère qui bénéficiait des aides matérielles. Chacun de ces deux partenaires avait un rôle et des responsabilités particulières.

La responsabilité du donataire :

En ce qui concerne le collège monastique, les moines doivent observer et maintenir la règle, la tradition, s’’adonner à l’’étude et à la pratique. Chacun doit s’’efforcer de son mieux afin d’’obtenir les réalisations en s’’appliquant à l’étude, la réflexion et la méditation. C’est ainsi que ceux qui reçoivent dons et offrandes doivent assumer leur responsabilité, car, de fait, les religieux ont, en principe, pris la décision de pratiquer en vue d’’accomplir le bien de tous les êtres.

La responsabilité du donateur :

Pour ce qui est des donateurs, « les tchindac », leur participation ne se limite pas au fait d’’apporter des moyens, des subventions matérielles. C’est aussi pour eux non seulement l’’opportunité de soutenir une entreprise noble, mais aussi et surtout d’’accumuler des mérites. Au travers des dons, du soutien, le donateur peut opérer la purification de ses voiles, ce qui lui permet de donner un sens aux efforts accomplis la vie durant pour obtenir des biens matériels. Il est important pour le donateur de se mettre dans l’’état d’’esprit de la pratique. Sinon, se dire « je suis un mécène, je donne de l’’argent pour telle communauté dont je suis le bienfaiteur » et développer des pensées de supériorité serait très dommage mais le risque est réel. A titre personnel, il s’’agit là d’’une occasion pour s’’adonner à la pratique du Dharma.

Moines et donateurs, chacun a sa fonction, sa responsabilité et une aide à apporter à l’’autre.

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Entraide Franco-Tibétaine

L’’association EFT s’est fixée pour but, entre autres, de rechercher des donateurs pour le monastère et d’’être l’intermédiaire entre les donateurs et le monastère. Elle transmet les informations, les aides, l’’argent. Elle présente le monastère et ses activités en France, en Hollande, en Indonésie, en Malaisie, notamment lors des enseignements (de Rimpotché) et quelques fois lors d’’évènements culturels. EFT collecte l’’aide qu’’elle transmet intégralement aux responsables du monastère en Inde. Les responsables du monastère communiquent leurs besoins et projets aux responsables d’EFT qui, après évaluation du possible, informent les membres et donateurs.

Notre association EFT, dont le nom « Entraide » indique bien cette relation d’’aide mutuelle, son but est d’’être utile et bénéfique pour le plus grand nombre possible d’’êtres.

Un petit peu plus que la moitié des moines ont un donateur attitré mais notre démarche n’’est pas de réserver l’’aide à des personnes en particulier. En effet, tous les fonds obtenus sont attribués à la communauté dans son ensemble et profitent à tous les moines de DSM, c’’est la communauté dans son ensemble qui est soutenue et non pas des personnes individuellement.

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Rôle des donateurs

Les donateurs contribuent donc au maintien de la tradition de Dagpo Dratsang. Leur rôle est fondamental.

Pour que cette action soit efficace sur le long terme, il conviendrait d’’éviter certaines attitudes comme le fait de donner parce qu’on développerait de l’affection pour une personne en particulier ou bien de désirer obtenir quelque chose en retour. L’’acte de donner devrait s’’inscrire dans la démarche du Dharma. C’est vrai qu’’il y a, de fait, une relation d’’aide mutuelle, d’’entraide, mais il ne faut pas parrainer un religieux pour obtenir quelque chose en retour. Il serait important de bien réfléchir à ce point.

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Attitude des bénéficiaires

Quelques mots à l’’adresse des moines : l’’attente légitime des donateurs est d’’obtenir de temps à autre des nouvelles de la vie des filleuls et du monastère.

« Moines parrainés, sachez que vos parrains attendent de vos nouvelles ».

Sur ce point, il y a apparemment une petite différence occident/orient. De temps en temps, il serait souhaitable d’’informer le secrétariat d’EFT afin que celui-ci puisse répercuter vos nouvelles auprès des parrains et de nos sympathisants. Par exemple, pour les occidentaux, parler du temps qu’il fait, du climat constitue peut-être un sujet de discussion qui n’’intéresse pas autant les moines. Il existe un décalage entre les habitudes des uns et des autres. Les personnes en charge d’’établir la relation parrain/filleul et EFT/DSM rencontrent des difficultés sur ce plan-là. Les moines ne sont pas très portés sur la rédaction de lettres ou tout simplement, pris par leurs obligations, n’’ont pas la possibilité de le faire. De leur côté, les parrains n’’attendent pas tous systématiquement du courrier. Je pense important, de signaler ces points, maintenant que tout le monde est là.

En ce qui concerne les moines, l’’important est qu’’ils fassent un bon usage des dons reçus ; qu’’ils s’adonnent de leur mieux à leurs pratiques religieuses et que de temps en temps ils informent les parrains de leur vie notamment lorsqu’’ils passent des examens ou lors d’’autres évènements importants de leur vie. Il serait donc utile que le secrétariat de DCM informe le secrétariat d’’EFT des conditions de vie, de l’’actualité et des faits marquants de la vie du monastère et de l’’école. Ainsi, le secrétariat d’’EFT serait en mesure de répercuter les nouvelles auprès des parrains et des sympathisants.

Quelques difficultés sont survenues dans le passé, pas dans le cadre de notre monastère, mais le risque n’’est pas exclu et il est important d’’en parler. Par exemple, il est arrivé que certains religieux ayant un parrain, établissent directement le contact avec lui et lui écrivent pour demander de l’’aide supplémentaire du genre « Je n’’ai pas d’argent, je voudrais aller en pèlerinage à Bodh Gaya » ou bien « Il faut que je me fasse opérer »…

Cela ne va pas du point de vue du Dharma, non seulement ce n’’est pas correct mais il ne faut pas s’’imaginer que les parrains soient des personnes si riches que cela, que des flots d’’argent tombent sur eux en pluie. En fait, les personnes qui vous aident, qui vous parrainent doivent beaucoup travailler pour gagner leur vie.

Du matin au soir, ils travaillent très dur. En général, ils ont une famille, des enfants, beaucoup de charges, d’’obligations. Ils font de leur mieux, mettent de côté une partie de leur budget pour vous aider. Il ne convient donc pas de leur demander trop. Si vous rencontrez des difficultés comme une maladie grave, normalement c’’est le monastère qui doit s’’occuper de vous, il y a un budget réservé aux dépenses occasionnées par les maladies. Si les frais s’’avèrent trop importants pour le monastère, on pourrait rechercher d’’autres solutions. Donc, écrire au parrain pour motif de voyage, de pèlerinage, maladie ou autre, ce ne serait pas convenable. Cela ne s’’est pas produit avec vous mais le problème s’est présenté dans d’’autres monastères. J’ai préféré prévenir que guérir pour le cas où cela aurait risqué de se produire dans l’’avenir.

Donc, on pourrait dire qu’’il y a des engagements mutuels.

Du point de vue des parrains, leur responsabilité est de vous aider pour que vous puissiez vous adonner à l’’étude, à la pratique. Et ainsi cela leur permet de procéder à l’’accumulation de mérites.

Vous les religieux, il faut que vous formuliez des vœoeux, des prières à l’’intention des donateurs pour qu’’ils ne soient pas malades, qu’’ils puissent être heureux, que tout se passe bien pour eux dans cette vie et dans les vies suivantes ; la prière principale étant qu’’ils puissent cheminer sur le plan spirituel et obtenir les différentes réalisations.

Voilà ce que je tenais à dire aujourd’’hui, je ne vois pas autre chose à ajouter.

Avez-vous des remarques à faire, des questions à poser, des doutes à exprimer ?

Il y a deux façons de parrainer, nous aidons deux monastères, Drépoung Gomang et Dagpo Dratsang. Dans les deux cas, le système mis en place est le même. Nous ne remettons pas directement l’’argent aux filleuls mêmes, mais directement à l’’ensemble de la communauté. Cela, pour plusieurs raisons, dont la principale est de ne pas créer des disparités entre les moines et éviter le fait que certains aient des moyens et d’’autres pas.

Sans compter que certains ne sauraient pas gérer correctement leurs ressources, ce qui créerait de graves obstacles pour leur pratique du Dharma. Ceci a pu se produire dans d’’autres contextes. C’est la raison pour laquelle on offre l’’argent de façon collective, afin qu’’il soit utilisé par toute la communauté.

Si les donateurs souhaitent poser des questions, ce serait bien, mais il n’’y a pas d’’obligation à le faire.

Ensuite, nous allons passer aux présentations moines/parrains.

Kaïs, le 17 mai 2005